Je ne sais pas si vous aussi vous tenez une liste de choses à accomplir dans votre vie. Sur la mienne il y a par exemple, « avoir un chien » ou « faire un saut en parachute ». Mais il y a avant tout et surtout une liste de randonnées mythiques. On y trouve le GR10 (traversée des Pyrénées) ou le PCT (Pacific Crest Trail aux USA). Récemment j’y ai ajouté le chemin de Stevenson (Cévennes) et la Diagonale des fous (Réunion). Cependant la première randonnée que j’avais inscrite sur cette liste, était le fameux GR20. La randonnée la plus exigeante et difficile d’Europe. Et croyez moi, elle vaut bien sa réputation.
Et c’est comme ça qu’à commencé cette aventure avec Kevin. Je voulais faire le GR20, il voulait refaire Compostelle avec sa copine. Alors on s’est dit, pourquoi ne pas enchaîner les deux?
Ainsi nous venions de terminer notre échauffement auvergnat. Nous nous sommes dirigés en stop vers Aix en Provence où vivent Laia et Samy: des amis. Après 8 voitures en stop, un covoiturage, une machine à laver, deux nuits dans un lit, une journée off, nous étions repartis sur les routes, direction le port de Toulon. Nous avons donc débarqué à l’Ile Rousse ce 26 septembre pour commencer l’aventure GR20 du Nord au Sud. Pour rejoindre Calenzana, notre pouce a repris du service et nous n’avons pas attendu longtemps. Michel nous a avancé sur la route direction Calvi en nous souhaitant le meilleur et en promettant de suivre nos aventures sur notre blog. Puis Bastien et Loïc nous ont ouvert leur coffre. Ils allaient eux aussi faire le GR mais en doublant les étapes. Ils s’arrêtaient d’abord faire des courses. Ce jour là, nous avons eu les yeux plus gros que le ventre en achetant beaucoup de nourriture au super marché. Peut être par peur d’avoir faim sur le GR. Le problème c’est que ça pèse lourd les fruits, le saucisson, le fromage et le pain. Mais ça donne plus envie qu’une soupe déshydratée ou des nouilles chinoises. Un bon repas partagé avec nos amis covoitureurs et il était temps de planter la tente en bivouac un peu plus haut sur le début du GR au départ de Calenzana.
Ainsi le lendemain nous étions partis pour l’escapade corse. Notre sac pesait beaucoup trop. Ce que nous ne savions pas c’est que nous avions croisé sur le bateau notre futur compagnon de route, Thomas, qui fera une bonne partie du GR Nord avec nous.
1 – Calinzana à Ortu di u Piobbu
La première étape fut, avec le recul, assez facile. Bien qu’elle soit celle qui propose le dénivelé positif le plus élevé de tout le GR. 6h30 de randonnée avec un temps magnifique. Nous avons même eu le temps de faire une bonne sieste en haut du premier col avec nos amies les vaches. L’accueil au premier refuge (ortu di u piobbu) fut plutôt sympathique et le coucher de soleil extraordinaire.
On commençait à prendre l’esprit rando. Le dîner se fait tôt avant le coucher de soleil (19h) et tout le monde se couche à 20h. Le réveil se fait très tôt surtout pour ceux qui doublent les étapes. On vit comme les poules. Je me demandais aussi si le GR20 était sponsorisé par Salomon ou décathlon car la majorité des randonneurs ont des Salomon aux pieds et tous les refuges proposent des tentes 2 secondes.
2 – Ortu di u Piobbu à Carrozzu
La deuxième étape dura 7h. On commença à ce moment à comprendre la difficulté du chemin. Il fallait avoir « bon pied bon œil » pour avancer sans se blesser. Le météo fut encore radieuse. Les moments d’escalades furent plus présents. Et la descente vers le refuge de Carrozzu nous sembla une éternité.
3 – Carrozzu à Ascu Stagnu
À la troisième étape, Kevin me demanda si je pensais que sur terre, il y avait plus de montée ou de descente… #nosjoursheureux
On finissait pas s’amuser à essayer de prédire par où on allait passer en regardant la montagne en face de nous. Et souvent la réponse était évidemment, la pire. Il y eu beaucoup d’escalade ce jour là. On commençait à se demander pourquoi le GR20 avait l’appellation « randonnée » car on était très loin de la balade des autres GR que nous avions connu.
Tous les soirs nous arrivions dans un refuge différent pour planter la tente mais nous commencions à être lassés de l’accueil souvent glacial des gardiens. Heureusement nous retrouvions Thomas pour debriefer du chemin de la journée. Nous avions notre routine « achat d’une barre chocolatée » comme récompense de la journée. Kevin ne jure que par les Mars.
4 – Ascu Stagnu à Tighjettu
Le quatrième jour nous partions avec Thomas pour cette étape réputée la plus difficile. La météo annonçait du soleil et du vent. En effet après 4 heures de montée interminable, nous étions sur les crêtes près du mont Cintu et il était impossible de tenir debout avec les rafales de plus de 100km/h nous dit un randonneur. Je suis tombée une bonne dizaine de fois ce jour là. 8h prévue de randonnée pour 8km. Nous en avons mis 9. Toutefois nous avons beaucoup ri ce jour là. Chacun y allait de sa théorie concernant le GR. Thomas pensait que nous suivions les traces de deux zozos. Un avec la peinture rouge, l’autre avec la peinture blanche. Et que ceux ci s’amusaient à aller dans des endroits improbables de la montagne. Kevin disait, « c’est le même chemin que nos parents nous interdisaient de prendre quand on était petit mais comme il y a de la peinture, alors on y va ». On saute de rocher en rocher. On défit le vide. Pour ma part, j’avais l’impression de chercher Charly partout dans ce paysage car parfois les traces sont effacées et difficiles à trouver donc on cherchait le bonnet rayé rouge et blanc de Charly toute la journée. Cette quatrième étape marqua le début d’un voyage à 3 et notre premier repas en bergerie. Je commençais aussi à avoir quelques courbatures.
5 – Tighjettu à Ciottulu di i Mori
La chaleur était revenue pour la petite étape 5. Ce qui nous permit de tremper les pieds et de profiter longuement du paysage. Un arrêt pour boire un coca au refuge Ciottulu di I Mori très chaleureux et nous plantions notre tente en camping sauvage un peu plus bas. Le gardien (très sympathique: il faut le noter quand c’est le cas) nous avait dis que l’orage était annoncé. Mais nous avons quand même bivouaqué et j’ai dormi 4h. L’orage apporta du vent puis de la pluie. J’avais peur que notre tente ne tienne pas le coup. Avec Kevin nous tenions l’armature et nous guettions la montée des eaux. Puis ce fut le tour de la grêle. Et l’orage s’arrêta enfin. Au petit matin, nous savions qu’au premier refuge trouvé, le chocolat chaud serait obligatoire.
6 – Ciottulu di i Mori à Manganu
La sixième étape fut longue en distance et la météo venteuse et brumeuse. J’avais un torticolis à cause du froid de la veille donc malgré la beauté du lac de Ninu, j’avais hâte qu’elle se termine. Pensant arriver au refuge vers 18h30 nous nous arrêtâmes près d’un bâtiment avant de nous rendre compte que c’était une bergerie fermée et qu’il restait encore 45 minutes avant le refuge. Fatigués, nous décidâmes de dormir près de la bergerie mais la cuisine et le dortoir étaient accessibles. (Tous les refuges commencent à fermer à cette saison). Ainsi nous pûmes manger au chaud dans la bergerie de Noël (le nom du berger) et dormir sur le sol de la cuisine. Nous avions l’impression qu’il était parti depuis 5 min et qu’il allait revenir car le vin était sur la table et l’éponge de la vaisselle était encore humide. Mais il ne vint jamais. Ce fut notre première nuit au chaud. Nous lui laissâmes un mot de remerciement signé Adeline, Kevin et Thomas.
7 – Manganu à Pietra Piana
La septième étape se déroula tranquillement. Le corps s’habitue à marcher tous les jours même si les genoux fatiguent un peu sur la fin de journée. Le paysage fut exceptionnel avec une vue sur les deux lacs de Capitello et de Melo. Thomas décida que c’était bientôt la fin de son GR. Et nous visions le refuge de Pietra Piana qui n’était plus gardé. Avant de descendre au refuge nous pûmes profiter avec Kevin d’un coucher de soleil digne du lever de soleil dans le Roi lion (oui, chacun sa référence!) avec un bon Mars comme récompense de la journée. Au refuge, bien qu’il n’y ait plus de gardien, il y avait du monde ce soir là. Mais quasi personne n’occupa le dortoir car les punaises de lit étaient présentes. La nuit fut froide à 1800 m d’altitude. Heureusement, nos duvets peuvent s’assembler.
8 – Petra Piana à L’Onda
Pour la petite huitième étape nous avons cru à une blague tellement le chemin ressemblait à un chemin « normal » de randonnée. En descendant nous avons même trouvé des œufs que quelqu’un avait abandonné pour qu’un randonneur en profite. Pour les transporter sans les casser, nous les avons fait cuire puis nous avons ramassé du thym sauvage en prévision d’une bonne tisane maison. Thomas nous quitta à la moitié de l’étape pour rejoindre une ville et rentrer. À 15h30 nous étions au refuge de l’Onda, non gardé, dans lequel nous ne pouvions dormir à cause des punaises. À 18h nous mangions dans la tente. Il y avait un vent très impressionnant et il faisait très froid. À 19h, nous étions couchés. La fatigue commençait à se faire sentir.
9 – L’Onda à Vizzavona
Neuvième jour et neuvième étape, nous nous levâmes sous le vent et dans le brouillard. En commençant l’étape qui montait à plus de 2000 m, nous croisâmes un randonneur allemand que nous suivions depuis le départ et celui ci nous dit qu’il était monté mais qu’il redescendait pour prendre un autre chemin car avec la météo, la randonnée n’était pas « fun ». Comme nous n’avions pas envie de faire demi tour, nous décidâmes de continuer et de rebrousser chemin uniquement si ça devenait dangereux. Heureusement le soleil apparu un peu. Le vent continuait de souffler. Et nous pûmes passer la Punta Muratella. La descente fut longue et nos genoux fatigués commençaient à comprendre ce que c’était d’avoir de l’arthrose. Nous marchions « comme des petits vieux ». Arrivés à Vizzavona, nous devions nous ravitailler pour tout le GR Sud car les refuges sont maintenant fermés. Et comme tout était quasiment fermé, nous avons fait du stop pour rejoindre le village de Vivario à 10km. En faisant les courses à l’épicerie L’Affaccata, l’épicier et sa femme avec un accueil très chaleteux nous proposèrent un appartement pour deux nuits avec douche chaude et machine à laver. Ce qui nous amène à ce moment précis où j’écris ces mots.
Entre temps nous avons fait une nuit au chaud, mangé une énorme pizza, et refait une sieste. Il faut dire que nous en sommes à 51h de randonnée, 121 km à pied et que nous avons monté 1633 étages d’après ma montre.
Une pause bien méritée avant le Gr20 sud.