Top

Ecrit avec les pieds

Il paraît que le chemin nous donne ce dont on a besoin… Et bien avec Kevin on devait avoir besoin d’hydratation je suppose… (Ne me parlez plus de sécheresse avant quelques mois). Plus sérieusement, voilà maintenant plus de 20 jours que nous sommes sur le chemin et nous avons eu 3 jours d’été (les 3 premiers) puis les jours suivants ressemblaient plus à un déluge permanent. Même à la TV, ils parlent de la météo exceptionnellement humide et froide. Le titre de ce soir disait: « aujourd’hui, premier jour sans pluie depuis 18 jours! » (je ne suis pas la seule à compter visiblement ). Sur le chemin français où Kevin est passé il y a deux ans sous le soleil, il est tombé jusqu’à 1 mètre de neige. Tous les sommets que nous voyons de la côte sont enneigés. Donc finalement on relativise un peu. Et on n’a pas le choix si on veut profiter du voyage.

Je disais donc, le chemin nous donne ce dont on a besoin. Ce qu’il y a de bien avec la pluie, c’est qu’elle nettoie le superflus, elle défait ce qui n’est pas assez solide pour tenir, elle lave pour remettre à neuf. Et c’est peut être là le test. Est-on assez fort pour tenir mentalement face à cette pluie continue, face à la boue, face aux rivières à traverser, face aux ondées de grêles? (En tout cas pour le moment on tient le coup haut la main sans vouloir nous vanter. On prend cela comme des épreuves de Koh lanta. Kevin est le capitaine, je suis le moussaillon et quand on arrive à passer un passage difficile sans que le navire ne coule ou tombe à l’eau, on se félicite et le capitaine me tape dans la main). Peut être que la météo cherche à tester notre couple (la pareja) et une fois encore, on tient bon. On rigole, on saute dans la boue, on se soutient et même si il m’arrive de demander à Kevin pourquoi on fait tout ça, on s’amuse beaucoup et les moments où j’ai les pieds gelés et de l’eau dans mes chaussures, deviennent anecdotiques. Il faut dire qu’on a trouvé comment se motiver. Soit on pense à un plat français qu’on aimerait bien manger prochainement en rentrant en France, soit on s’arrête dans un café, au chaud, pour prendre un colacao.

Voici donc le récit de notre périple dans les Asturies…

Pour notre 18 eme journée sur le chemin de Compostelle, nous avons commencé par nous poser dans un café au coin du poil pour travailler un peu. Et oui! C’est bien le travail à distance mais il faut se prévoir des temps pour ça. C’est sympa les pauses dans les cafés car on se rend compte qu’ils ont une place importante dans la vie des espagnol. On voit les mamies boire un verre de vin blanc entre copines, les papis lire leur journal avec un café. À 14h c’est la pause déjeuner et les travailleurs débarquent pour prendre un verre. Y’a de la vie, on entend parler espagnol. On prend le temps. On passe aussi pour des extra terrestres quand on demande à manger vers 12h. D’ailleurs, souvent les cuisines ne sont pas ouvertes. À 14 h nous étions en marche. Je ne précise plus la météo. Ne pas marcher le matin, c’est bien pour reposer un peu nos pieds endoloris. La cape orange remise en service et nous pûmes dire adieu à la région de Cantabrie définitivement. Nous trouvâmes un petit kiosque pour mettre notre tente. Il y avait beaucoup d’orage ce soir là et il faisait assez froid. Kevin mis quelques temps à faire bouillir l’eau pour le repas du soir car le feu ne voulait pas prendre. Difficile de trouver du bois sec quand il pleut depuis plusieurs jours.

Le 19 eme jour fut un des pire depuis le début en ce qui concerne la météo. Vous avez déjà marché sous une douche froide avec un sac à dos trop lourd, des chaussures usées et une cape orange qui devient de moins en moins imperméable ? Voilà qui résume à peu près ce que l’on a vécu. Mon moral descendait en flèche. En 1h, j’étais déjà trempée. Nous étions obligés de regarder nos pieds pour éviter la pluie et la grêle dans le visage. Nous étions sur la côte et on entendait la mer agitée s’écraser contre les rochers. Parfois on voyait des buffones (sorte de geyser d’eau de mer pouvant monter jusqu’à 40m). Kevin développa une nouvelle théorie: « Il y a des pluies qui mouillent plus que d’autres ». Je vous laisse y réfléchir. Le soir nous décidâmes de dormir au chaud. (Enfin, Kevin le proposa gentiment quand il vit ma tête. De toute façon, il aurait été difficile de faire sécher nos vêtements dans la tente). Nous trouvâmes un Bed and Breakfast original sur notre chemin. C’est ainsi que nous rencontrâmes un jeune couple d’allemand dans le même état que nous, qui marchait depuis l’Allemagne (les fous!). Nous étions seulement 4 dans cette auberge tranquille. Nous pûmes prendre une bonne douche chaude et faire sécher nos chaussures (je vous laisse imaginer l’odeur des chaussures humides dans la chambre).

Le lendemain, nous aperçûmes quelques rayons de soleil au départ de notre marche. Cela ne dura pas très longtemps… Nous fûmes obligés de remettre notre cape orange. Nous rencontrâmes un Tchèque sympathique avec lequel nous partageâmes quelques kilomètres. Il était aussi partis de son pays, le fou. Donc je relativisais à propos de mes douleurs aux pieds. Nous finîmes notre journée à la frontale. Le soleil se couche de plus en plus tôt et avec le mauvais temps, on a l’impression qu’à 17h, il fait nuit. Nous trouvâmes un endroit près d’un point d’eau et d’un parking pour mettre la tente et pendant que nous étions en train de la monter avant une nouvelle averse, notre voisin qui était en camping car, nous proposa une tasse de thé. Nous mîmes nous affaires à l’abris avant de monter dans la demeure de Nico et Martha, deux retraités néerlandais qui voyageaient pendant 6 mois. Ils avaient envie de faire notre connaissance et de nous offrir une boisson chaude. Ce fut le genre de moment réconfortant qui tombe à pic après une longue journée de marche. Le moment fut extrêmement sympathique et chaleureux. Avant d’aller dormir, ils nous demandèrent à quelle heure nous nous levions le matin pour nous amener du thé avant que l’on ne parte. Des zamours de néerlandais.

La 21 eme journée commença donc avec un petit déjeuner sous la tente. Martha ou Nico nous avaient mis un Thermos de thé, du pain et du beurre de cacahouète des pays bas dans un sac devant notre tente. Nico étant un amateur de foot, nous eûmes le droit à notre minute historique. Et nous apprîmes pourquoi les joueurs des pays bas jouent en orange, comme nos magnifiques ponchos. Et bien figurez vous que c’est en l’honneur de la France. Une dernière photo avant de partir et c’était parti pour une journée de marche. Le soir, alors qu’il pleuvait des trombes d’eau, nous nous arrêtâmes dans un champ de pommiers, trempés, dans le noir. Kevin n’essaya même pas de faire de feu. La nuit fut très humide. Notre tente est elle aussi de moins en moins imperméable comme si, elle aussi avait eu sa dose de pluie…

Ce 22 eme jour, nous savions que nous n’avions pas beaucoup à marcher car nous avions prévu de nous arrêter dans une Albergue en donativo à une dizaine de kilomètres. L’idée était de reposer les pieds l’après midi. Plus le temps passe et plus nous avons mal au pied rapidement dans la journée. Ça devient difficile alors nous essayons de nous aménager des temps de repos. C’est ainsi qu’après avoir traversé des champs et des champs de pommiers, nous arrivâmes chez Montze et son mari. En faite, l’albergue c’est leur maison. Nous fûmes accueillis en français. Nous pûmes faire sécher la tente et laver nos vêtements. Nous étions encore que deux. On croise de moins en moins de monde sur le chemin. Montze me joua un morceau de guitare en français ( et j’ai crié, crié Ad’line pour qu’elle revienne…). Le repas du soir fut fait maison. Ils mirent nos vêtements et nos chaussures à sécher au coin du poil. Nous étions déjà endormis.

Le 23 eme jour, je compris qu’il y avait clairement un acharnement meurtrier contre mes chaussettes de randonnée. Je dirai même plus, un complot. En me levant, j’alla chercher le linge qui avait séché toute la nuit et c’est alors que je décolla une de mes chaussettes du poil. Voilà que je me retrouve maintenant avec un magnifique trou dans ma chaussette droite. Je vais devoir finir avec une paire de chaussette et demi… Au moins, j’ai des chaussettes uniques. Puis nous décidâmes ce jour là de « tricher » un peu sur notre parcours. Nous avons mal aux pieds depuis quelques jours et nous ne voulons pas nous forcer à faire plus de 20 km par jour pour arriver à bon terme dans le temps que nous avons. Et surtout nous ne voulons pas rentrer avec une tendinite qui peut durer 6 mois. Ainsi nous avons mis notre ego de côté et nous sommes montés dans un bus pour faire un bon de 150 km en avant en évitant la zone industrielle moins joli autour de Gijon. Nous prîmes le bus à Villavisciosa pour Gijon puis de Gijon à la Caridad. Cela nous permet maintenant de faire tranquillement 15 km par jour et de moins nous presser. Nous arrivâmes dans le petit village de La Caridad en fin de journée et nous décidâmes d’aller au l’auberge municipale de la ville. Nous étions de nouveau que tous les deux dans un immense dortoir. 18 lits rien que pour nous, difficile de choisir. Pour la petite anecdote ce jour fut le premier depuis longtemps sans pluie et nous le passâmes dans un bus!

Le lendemain nous prîmes notre temps et partîmes et milieu de matinée. C’est bien de ne pas se presser. Nous firent une pause déjeuner dans la jolie ville de Tapia. Nous profitâmes de ces derniers moments dans les Asturies et sur la côte car le Camino del Norte entre plus dans les terres à partir de la Galice. Ce jour là je fis un constat étonnant. Est ce normal ce besoin que les garçons ont, de détruire, construire, faire des barrages de feuilles mortes, faire flotter des bouts de bois dans les rivières et les suivre comme des bateaux qui flottent? Je me questionne car de mon côté, j’essaie de rester propre le plus longtemps possible en évitant de marcher dans la boue, en étant la plus délicate pour éviter les éclaboussures… En tout cas, quand Kevin n’est pas en train d’inventer un nouvel accessoire pour son sac avec plusieurs versions au fil du temps, sachez qu’il n’a pas besoin de grand chose pour s’amuser. Je le taquine mais ses idées me font beaucoup rire. Je l’ai rebaptisé Kevin Mc Giver. En cette fin de journée nous trouvâmes un petit moulin pour passer la nuit au sec.

Ce 25 eme jour, le dernier dans les Asturies fut incroyablement ensoleillé. J’avais oublié la sensation de l’éblouissement ou du soleil qui réchauffe les fesses quand on marche. Nous partîmes en direction de Ribadeo où nous passâmes en Galice juste après le pont. La journée se déroula tranquillement en bord de mer. Nous nous arrêtâmes à plusieurs endroits pour profiter une dernière fois des magnifiques plages. C’est plus facile quand il ne pleut pas. On l’avait presque oublié. Puis pour midi nous mangeâmes une pizza avant de repartir en Galice. En fin d’après midi nous trouvâmes une petite aire de repos près d’une église et nous y mirent la tente. Ce qui nous emmène à ce moment précis où je vous écris ces mots. Pour le moment, il ne pleut pas, mais les jours à venir ne sont pas folichons.

Plus que 280 km environ

Comments:

  • 29 novembre 2019

    Bonsoir,
    c’ est poêle pas poil ! amusant…
    quel courage …la pluie!
    tenez bon
    Annick
    ps merci pour la carte…je ne sais pas si je ne l’ai pas déjà fait ! il vaut mieux trop que pas assez!

    reply...

post a comment